L'écrivaillon
L’écrivaillon se fait un sang d’encre.
Il craint d’être mis à pied.
Il est au pied du mur,
Ou plutôt au pied de la lettre,
Et la lettre est sur un grand pied,
Prête à lui faire un pied de nez.
Ayant pris son nom de plume,
Il chasse les cinq lettres,
Alignées et hostiles,
Qui lui collent au stylo,
Et gagne pied à pied
La ligne de départ.
Là, il embrasse la lettre,
Et lui dit les mots doux
Qu’elle n’osait espérer.
Lettre morte elle était,
Lettre ouverte elle devient,
Et puis lettre d’amour.
De sa main caressante
L’écrivaillon fait des pieds,
Jusqu’à douze pour un grand vers
Au beau nom d’alexandrin.
Alors sa main prend son pied,
En faisant couler beaucoup d’encre,
Et en laissant sur son passage
Un tendre sillage de plumes.