084 Conversation (suite)
─ Alex, explique-moi pourquoi l’iconographie de Saint Sébastien est souvent fortement liée au thème de l’homo érotisme. Saint Sébastien est même devenu de nos jours une icône gay.
─ Il suffit de regarder les représentations de Saint Sébastien pour être renseigné.
Prends l’exemple du "Saint Sébastien soigné par Sainte Irène" de Francesco del Cairo, peint en 1635, qui se trouve au musée de Tours.
Au premier abord tu crois voir une piéta, et tout contribue à solliciter ta compassion. D’accord ?
─ Oui, c’est plein d’émotion.
─ Mais regarde plus attentivement. N’y a-t-il pas un je-ne-sais-quoi de décalé dans cette peinture pieuse ?
─ La victime est un beau jeune homme.
─ Oui. Le cadrage intimiste et le clair obscur concentrent l’attention sur le jeune homme étendu au premier plan. Celui-ci, bien que mourant, est palpitant de vie. La chair paraît encore bien voluptueuse après le supplice qu’elle vient de subir, et les blessures n’en altèrent pas la sensualité.
La pose, tête rejetée en arrière, yeux clos, lèvres entrouvertes, évoque plus la jouissance que la souffrance et la mort.
Cette impression devient certitude quand on s’aperçoit que le jeune homme est en train de bander sous le linge qui lui recouvre le sexe.
La position de la main d’Irène, tenant une coupelle d’huile aromatisée destinée à apaiser le feu des blessures, tout contre l’organe en érection, ne peut être innocente.
─ Oui, c’est évident maintenant que tu me l’as fait remarquer. Il n’a pas été censuré ce tableau ?
─ Non, la charge érotique est voilée. Irène, présentée ici comme une vieille femme, émeut par sa tendresse toute maternelle, ce qui a pu détourner l’attention des signes de sensualité dont nous venons de parler.
A suivre...