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Confidences d'Alex
Confidences d'Alex
  • Chronique de la sexualité du jeune Alex. La sexualité ambigüe de son adolescence, ses inhibitions, ses interrogations, ses rêves, ses fantasmes, ses délires, ses aventures, ses expériences.
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12 avril 2011

133 A la pêche (1re partie)

Je parle avec Raphaël sur ce ton de légèreté mâtinée d’humour qui nous est habituel. Raphaël n’est pas mon boy friend, mais c’est un bon copain. Nous avons toujours plaisir à nous rencontrer. Nous sommes attablés à une terrasse de café et profitons de cette belle et déjà chaude journée de printemps. Je lui raconte une mésaventure qui m’est arrivée récemment et qui le fait bien rigoler. Mais c’est l’heure de mon rendez-vous professionnel et nous devons nous quitter. Nous nous levons et je m’approche de lui pour une embrassade. A ce moment précis j’ai l’impression d’être observé. Je sens très nettement la présence d’un regard insistant dans mon dos. Je me retourne et là, à l’arrêt d’autobus en face du café, je le vois.

Il a détourné les yeux et semble ne pas m’avoir vu. Il m’a vu j’en suis sûr. Mais sait-il que moi aussi je l’ai remarqué ? Je pourrais faire une fois encore une petite lâcheté pour l’éviter, et, comme les fois précédentes, me trouver un peu salaud de l’avoir ignoré, d’avoir fui sa laideur et sa difformité. Cette fois je ne puis me dérober. En fait j’ai de la compassion pour lui, ou plutôt, ce que je n’ose m’avouer, de la pitié. Il rappelle à ma conscience la chance que j’ai d’âtre ce que je suis : plutôt bien fait, aimable, aisé, ayant le goût de la fête, aimant faire l’amour.

Je suis certain qu’il a perçu mon embarras et mon hésitation. Je traverse la rue d’un pas alerte et je l’aborde avec un air faussement enjoué et une voix théâtralement naturelle.

— Bruno ! Il y a si longtemps que je ne t’ai rencontré !

Je ne lui demande pas comment il va, car comment irait-il bien ?

— Je vais à un rancart de boulot maintenant, mais je veux qu’on se voie ces prochains jours. File-moi ton numéro de téléphone, je t’appelle ce soir.

En sortant mon IPhone dernier cri pour noter son téléphone, je me rends compte de la maladresse de ce geste auprès d’un handicapé qui n’a pas le sou. Mais c’est trop tard ;

— A ce soir.

Et je file vers ma voiture.

 

Ce garçon défiguré et bancale fut vigoureux et sportif. Il a été fauché en pleine adolescence par un rictus du destin. Je l’ai connu au collège. Je me souviens des parties de foot organisées par le prof de gym, où il excellait tandis que j’étalais ma nullité. Il courait au devant du ballon et trouvait toujours le moyen de la maîtriser tandis que je paniquais quand un shoot me l’envoyait en pleine poire. Il ne s’était jamais moqué de moi, alors que d’autres s’en donnaient à cœur joie. Au contraire il m’adressait des mots d’encouragement. Vif, téméraire, assez casse cou, il semblait ignorer le danger.

Il empruntait de temps en temps le scooter de son frère aîné, avec plus ou moins la complicité de ce dernier, bravant l’interdiction des parents et de code de la route. Cheveux au vent, il parcourait la campagne à toute allure, grisé par la liberté de son escapade interdite.

On ne saura jamais ce qui s’est réellement passé : à l’entrée d’un village il alla se fracasser sur le pilier en béton du portail d’une propriété. L’arête vive lui arracha la moitié gauche du visage. La surface rugueuse fit éclater son épaule. La Vespa lui écrasa la jambe.

Il survécut. Sans amputation. Mais, après de nombreuses opérations qui l’empêchèrent de suivre une scolarité, il resta défiguré, avec un bras inerte et une jambe plus courte que l’autre.

Fin du printemps pour lui. Voué désormais aux chemins de traverse de la vie.

A suivre...

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