132 NILS (5° partie)

Arrivèrent les vacances de Février sans que j’aie eu l’occasion — sans que j’aie eu le courage, en fait — de retourner trouver Nils. Après ses explications du cours d’anglais, j’étais allé le voir et l’avais invité à venir au ciné voir un film américain en VO  qui était alors en salle.

— Merci, t’es sympa, mais je l’ai déjà vu, ce film. Il n’est pas terrible. Je ne te conseille pas de le voir.

Bon ou mauvais, ce qui m’intéressait était de le voir avec lui, d’être à côté de lui dans le noir et l’anonymat d’une salle de cinéma, de le toucher par fausse inadvertance, et peut-être, ce faisant, de déclencher chez lui quelque désir sensuel. Je me mettais à imaginer qu’il cachait son jeu en se montrant si souvent avec des filles, jolies d’ailleurs, et désirables. Je me fabriquais un roman sur cette hypothèse, qu’aussitôt je détruisais en me moquant de la machine à illusions que j’étais.

Son refus de venir avec moi voir ce film me fit perdre l’espoir de nouer avec lui une relation amicale.

Cependant, à la veille des congés de février, je voulus lui proposer de venir avec Marc et moi faire quelques sorties ski. Au dernier moment je me dégonflai, de crainte d’un nouveau et désespérant refus.

C’est au retour d’une journée radieuse sur les pentes,  en plein soleil au dessus de la couche de stratus, après m’être défoncé sur des pistes noires, que je fus pris de nausées et de violent maux d’estomac et de ventre. Je fus transporté aux urgences. L’interne qui m’examina diagnostiqua une appendicite. C’est dans un lit d’hôpital que je passais mon dernier jour de vacances. J’eus des visites, mes parents bien sûr, et Marc, Zoé, Léna. Mais je ne m’attendais pas du tout à la visite de Nils. D’où la réaction de surprise un peu embarrassée.

— Je sais que Marc t’apporte les cours et les exos, mais j’ai pensé que je pourrais voir avec toi les cours d’anglais. Ça va ? Tu n’as pas mal ?

— Non, ça va. Ça tire un peu quand je bouge. Ça me fait vraiment plaisir que tu sois venu.

— On va parler un peu anglais si tu veux.

Nous parlâmes anglais. Il me corrigea quelques fautes avec beaucoup de gentillesse, puis s’apprêta à partir.

— Tu reviendras ?

— Oui, si tu veux.

— Je veux.

— Demain, entre midi et deux. Tu n’as pas de visite à ce moment-là ?

— Non, j’ai des visites surtout le soir. Mais tu n’auras pas le temps de manger.

— T’inquiète. Je mangerai un sandwiche.

— Alors à demain.

— Bye, à demain.

J’étais ravi, euphorique. C’était inespéré. Je savourai ce bonheur sans me poser de questions. Il allait revenir ! Il voulait me voir seul !

A suivre ...