126 La méprise ( 2° partie )

Un piège. Il avait flairé un piège :
Dora avait voulu le mettre à l’épreuve.
Elle avait probablement des doutes sur sa fidélité et sur ses goûts sexuels, et elle avait sciemment provoqué cette rencontre avec un garçon irrésistible pour étudier ses réactions. Lequel garçon n’était probablement pas son cousin.
Ce coup monté ne lui faisait pas honneur et augurait très mal de l’avenir de leur amour. Jamais il n’aurait dû lui avouer quelques amours masculines. Il avait cru augmenter sa confiance par ces confidences difficiles mais il n’avait fait que multiplier les soupçons et la défiance de Dora : le danger ne venait pas seulement des charmes de son sexe, mais aussi des attraits de l’autre sexe.
Elle avait donc dégotté ce splendide garçon pour le mettre, lui Alex, à l’épreuve.
Splendide, il l’était, digne des plus beaux modèles de Dolce & Gabbana, ou encore Prada et autre Hugo Boss, de ceux qui étalent leur sex-appeal dans les pages des magazines au beau papier glacé. Ceux qui font acheter un petit accessoire, une ceinture, des lunettes de soleil, un t-shirt, une cravate, pour se donner l’illusion d’être un peu ce type canon à la musculature idéale, ce parangon de beauté masculine qui les fait rêver et un peu baver d’envie.
Pourtant il n’avait, ce Florian, de ces professionnels de l’apparence, que la beauté. Le culte de l’apparence, le cabotinage physique, l’exacerbation sensuelle, la forfanterie charnelle, la frime sexuelle,… tous les aspects m’as-tu vu étaient complètement gommés chez ce garçon.
Ignorait-il les convoitises qu’il suscitait ? Ne voyait-il pas les regards, sauf celui d’Alex, se tourner vers lui ? N’avait-il pas conscience de l’admiration qu’on lui portait et des désirs qu’il soulevait ? Combien de fois s’était-il fait déshabiller du regard par des filles et des garçons, des femmes et des hommes ?
« Moi, se dit Alex, je ne veux pas savoir ce qu’il a sous sa chemise boutonnée jusqu’au col. Qu’il ait un torse athlétique et une peau de chérubin ne m’intéresse pas. Que sa poitrine soit imberbe comme il est d’usage pour répondre au standard actuel me donnerait plutôt envie d’une virile pilosité. Non, je ne veux pas savoir s’il dissimule dans son pantalon mal coupé des cuisses et des fesses de handballeurs. Je tiens à ignorer en particulier ce qu’il a dans le slip.
Il cache son jeu, pensa-t-il. Il a tout de suite compris que la stratégie belle gueule ne marcherait pas avec moi. Alors il a une autre tactique, il essaie de me séduire en faisant semblant de s’intéresser à des sujets culturels. Je suis sûr que l’art va venir sur le tapis, parce que Dora connaît mes goûts et qu’elle a bien briefé son Florian. Je dois redoubler de vigilance.
Indifférent. Voilà ! Je suis indifférent. Et lui, réservé, poli et courtois, est là à parler de sujets sérieux de sa voix douce, s’adressant à nous avec sympathie et même amitié, comme s’il ne savait pas qu’il éveille d’autres attirances chez les hommes et les femmes.
Cette attitude, je la crois feinte.
A moins que… »

A suivre ...