122 Vol annulé (2° partie - fin)

Ils furent un peu gênés de se mettre nus l’un devant l’autre, mais quand ils enlevèrent leur slip ils se rendirent à l’évidence que la nature les dressait l’un vers l’autre.

 Magnifique ! avait dit Julien
 C’est ce que j’allais te dire, lui avait réparti Alex.

Et ils s’étaient jetés dans les bras l’un de l’autre.
Les peaux avaient vibré au premier contact, les poils des cuisses s’étaient dressés à la rencontre de leurs homologues, les sexes avaient fait connaissance avec une petite larme de joie, les lèvres s’étaient jointes et le baiser s’était aussitôt approfondi.
Puis ile étaient allés ensemble sous la douche, l’un savonnant l’autre, à tour de rôle. Quel plaisir que ces mains faisant mousser le gel douche dans le dos, sur les seins, sous les aisselles ! Quel délice quand elle gagna les reins, les fesses, puis, revenant vers l’avant, s’empara de la hampe et en parcourut l’échine. Chatouillant les rotondités affermies par l’imminence d’un rôle à jouer, elles s’étaient faufilées dans l’entrejambe jusqu’à atteindre le sillon magique et la partie la plus intime du corps d’un garçon.
Ne pouvant plus résister à l’impérative nécessité de la chair, ils se jetèrent tout mouillés sur le lit. Cependant ils surent prolonger encore la jouissive attente des corps avant d’être aspirés vers l’incandescence.

Après l’amour il y eut la tendresse, dans un mol abandon. Il y eut des douceurs tant négligées quand il n’est point de sentiment. Entre eux était né un lien qui allait bien au-delà de celui de la chair. Cependant cette chair parlait haut et fort, et les reliques alanguies et flasques se revivifièrent rapidement jusqu’à reprendre leur allure de fières idoles. Ils s’empressèrent de répondre à ces nouvelles sollicitations de leurs généreux patrimoines. Ils firent à nouveau l’amour, en inversant les rôles, puis ils s’endormirent lovés l’un contre l’autre.

Ils durent se quitter après l’atterrissage à Lisbonne mais jurèrent de se revoir le plus souvent possible dès leur retour.
Ils travaillaient et habitaient assez loin l’un de l’autre, et avaient hâte de franchir les 2OO kilomètres pour se retrouver le vendredi soir et passer ensemble un fabuleux week-end. Ils se trouvaient de bons petits restos, Julien faisait écouter à Alex ses dernières trouvailles musicales, pas toujours très heureuses mais assez souvent cocasses, Alex parlait de ses lectures et de son goût des mots et des belles tournures de phrase, en un mot du style. Ils, partaient en montagne pour une randonnée ou pour du surf suivant la saison, allaient en salle de sport ou couraient ensemble, et faisaient souvent l’amour.
Leur gaîté naturelle et un certain rayonnement de leur bonheur d’être ensemble, en faisait un couple digne d’un roman de gare sentimental, sauf qu’il s’agissait d’un roman d’aéroport.

Le hasard, ou le destin, qui avaient présidé à leur rencontre s’était-il trompé de cible ? Si le destin suppose qu’une loi supérieure mène le cours des êtres et des choses, quel pouvoir suprême pouvait vouloir la destruction d’un tel amour ?
Dans le hasard certains voient la main de Dieu. « Dieu est amour » dit le prêcheur. Comment un dieu, quel qu’il fût, pouvait-il annuler une relation d’amour qu’il avait fait naître ? D’aucuns, croyants bardés de dogmes cléricaux, y trouveront sans doute une justification. Elle est irrecevable !
Si le hasard sans dieu était seul en cause, il ne pouvait que provoquer le même sentiment de révolte, de rage, de désespérance, de souffrance.
Le hasard, ou le destin, prirent un vendredi soir la forme d’un ivrogne au volant qui vint percuter de plein fouet la voiture de Julien se rendant chez Alex. Vol vers le bonheur définitivement annulé.

Fin