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Confidences d'Alex
Confidences d'Alex
  • Chronique de la sexualité du jeune Alex. La sexualité ambigüe de son adolescence, ses inhibitions, ses interrogations, ses rêves, ses fantasmes, ses délires, ses aventures, ses expériences.
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26 mars 2009

115 Le captif ( 4° partie )

Mes yeux s’habituent à la luminosité et la première chose que je distingue est une fontaine au milieu de la cour. Mes gardes ont disparu. J’ai une toute petite sensation de liberté. Je me précipite et mets la tête sous un jet d’eau bienfaiteur. J’avais une horrible soif et c’est presque un instant de bonheur. Il me semble d’ailleurs que l’eau froide me rafraîchit un peu le cerveau. Quelques éclats de souvenirs émergent une fraction de seconde des fondrières de l’oubli, puis s’enfoncent à nouveau dans le marécage.
Je me relève, angoissé à l’idée que c’est peut-être l’équivalent de la dernière cigarette du condamné que l’on vient de m’offrir. Mais, surprise, à mes côtés, un jeune garçon. Je le connais ce jeunot. Je suis sûr de le connaître. Mais où l’ai-je donc connu, et qui peut-il bien être ? Cependant, si je le reconnais, c’est que le disque dur de ma mémoire n’est pas complètement effacé.
Sans doute perçoit-il mon interrogation et ma détresse dans le regard que je porte sur lui.

─ Je suis Julien, vous ne me reconnaissez pas ? Le fis du restaurant où vous veniez si souvent.
─ Ah Julien. Et que fais-tu ici ?

Il me tend une gamelle de nourriture, sur laquelle je me précipite, car la faim me tenaille.

─ Je n’ai pas le droit de vous parler, dit-il, et il se sauve en courant.

Julien. Le restaurant. Ça me dit quelque chose. Je vois passer quelques fantômes de ma mémoire, aussitôt évanouis.

Cette femme, là-bas, qui étend une lessive, silhouette empâtée et démarche de canard… mais, mais c’est Zania, mon aide ménagère. Je lui fais de grands signes. Elle m’ignore. Elle me tourne ostensiblement le dos. Me serai-je trompé ? Non, c’est bien elle. Elle vient d’avoir ce tic qui m’amusait toujours et que je traduisais par « elle se passe la main dans le dos ». Pourtant elle n’a aucune raison de m’en vouloir. Je la payais largement au dessus du smig, et je lui faisais régulièrement des petits cadeaux. Son attitude est incompréhensible. Quelle ingrate !

Et celui-là ! C’est grâce à moi qu’il a obtenu son boulot. Il était au chômage depuis plus d’un an et il est venu pleurnicher auprès de moi. Une femme. Trois enfants. Une petite maison payée au prix de privations et construite presque entièrement de ses mains, qu’il va devoir vendre pour continuer à nourrir sa famille. Je me suis décarcassé pour lui trouver un emploi. Je n’attends pas de reconnaissance. J’aime rendre service. Mais c’est bien connu que les gens que tu sors de la merde t’en veulent de ne pas avoir vaincu eux-mêmes la difficulté. Quand même, refuser de me saluer et foutre le camp quand je fais signe, c’est de la goujaterie. Pourtant les rôles sont inversés à présent. C’est moi qui suis dans la mouise. Ce serait le moment de jouer les bons samaritains et de prendre une revanche sur le prétentieux et suffisant sauveur que je fus.

Et toi, Aurélien, tu ne me connais plus non plus. Tu me rejettes comme les autres, toi qui clamais sans cesse ton amour et ta fidélité. Je sais bien que ceux qui déclament à l’envi leur fidélité sont souvent les plus volages, et c’est bien ce que j’avais décelé en toi dès le début de notre relation. Mais je crois que je t’aimais. Et j’espérais te garder longtemps à moi. Illusion. J’ai vécu souvent d’illusion. Je ne le regrette pas. J’ai ainsi vécu des moments plus intenses. Mais aujourd’hui je crois avoir perdu toutes mes illusions. Ma vie ne tient plus qu’à un fil. Et ce fil ressemble fort à une corde de pendu.
Tu étais un peu cabotin, Aurélien. Tu te vantais d’être le meilleur amant que j’aie connu. Je n’ai pas vraiment remarqué, mais tu étais intelligent et cultivé et converser avec toi était toujours un régal et un enrichissement. Jamais je ne me suis ennuyé avec toi, comme cela m’est arrivé avec bien des gens que j’ai rencontrés.
Tu m’as quitté pour un bel asiatique qui, j’espère, ne te décevra pas. Tu m’as dit « on reste bons amis ». Paroles de circonstances, qu’aujourd’hui tu renies en affichant ton profond mépris.

En parcourant du regard cette vaste cour intérieure, je m’aperçois que tous les gens de mon univers quotidien y pratiquent leur activité. Mes collègues de bureaux, les secrétaires, mais aussi mes relations de sport, mes amis… Tous m’ignorent, ou se détournent de moi, me fuient comme si j’avais une horrible maladie contagieuse. Faut-il que je me réjouisse que personne ne m’ait craché au visage ?

Une partie de ma mémoire m’a été restituée. L’angoisse de ma condition d’accusé, la douleur de ma situation de pariât, n’en sont que plus atroces. Mais je n’ai pas le temps de pleurer sur mon incompréhensible sort, les deux gardes m’empoignent et me reconduisent dans ma cellule.

À suivre ...

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