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Confidences d'Alex
Confidences d'Alex
  • Chronique de la sexualité du jeune Alex. La sexualité ambigüe de son adolescence, ses inhibitions, ses interrogations, ses rêves, ses fantasmes, ses délires, ses aventures, ses expériences.
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27 avril 2008

098 Hugo ( fin )

     «  ─ Je vais commencer par te raconter une petite histoire. C’est une histoire vraie.
Dans mon jardin, il y a un gros saule pleureur. Ses branches retombent jusqu’au sol. L’été, j’aime me faufiler dans son feuillage, entre ses lianes, et sentir les fraîches feuilles argentées glisser tout le long de mon corps. Je me mets nu et je pénètre dans cet espace végétal qui me coupe du monde et me fait retrouver les sensations primitives de l’homme en harmonie avec la nature. Celle-ci est douce et accueillante, elle me caresse. J’aurais presque envie de lui faire l’amour.
En extrapolant on pourrait imaginer un saule pleureur pictural.
─ Ouais, raconte. Traverser la peinture, ça me plaît.
─ Imagine que dans une pièce on accroche, sur toute la surface du plafond, une trame à laquelle on attache de gros fils de nylon multicolores qui descendent jusqu’au sol,…
─ Tu n’as rien inventé. Le peintre vénézuelien Soto, Jesùs Rafael de son prénom, ça ne s’invente pas ! a fait des trucs comme ça il y a longtemps. Il les a appelés « Pénétrables ».
─ Peut-être, mais moi je vais beaucoup plus loin. Laisse-moi continuer. Ces fils envahiraient tout l’espace de la pièce. Tu pourrais mettre là des fils jaunes, là des fils bleus, là des rouges, bref, tu ferais une véritable composition chromatique comme tu sais si bien les faire, une harmonie subtile des couleurs, des mélanges savants et variés, des rapports doux ou puissants, mais dans l’espace au lieu de rester sur une toile.
En pénétrant nu là dedans, tu aurais des sensations visuelles inhabituelles : passage d’une couleur à une autre, harmonies douces ou contrastées,… ; tu aurais des sensations tactiles : le frôlement frais des fils de couleur sur ta peau, comme une douce friction printanière,… ; tu pourrais même avoir des sensations auditives, si les fils étaient plombés de petites billes creuses résonnant musicalement en s’entrechoquant, …
Et surtout tu aurais des rencontres prévisibles, mais fortuites, avec un autre corps, ou d’autres corps.
On pourrait inventer un jeu : si l’on se rencontre dans la couleur bleue, on se raconte un rêve où tout n’est que pureté, fraîcheur et volupté. Si l’on se rencontre dans le jaune, on s’échange les pépites d’or qu’on a accrochées dans nos cheveux, et on loue le soleil de réjouir notre humeur ; dans le vert on se fait saule pleureur, en riant du printemps retrouvé ; dans le rouge on se laisse aller à la passion dévorante, à l’amour sans retenue, à …
─ Là tu t’emballes. Tu te laisses déborder par ton lyrisme. Je n’ai aucune envie de me donner ainsi en spectacle, j’ai même horreur de me donner en spectacle. Et puis je n’ai aucune envie de faire l’amour avec toi. Avec une jolie fille, oui, mais pas dans ces conditions.
─ Excuse-moi de m’emballer ainsi. J’aime bien ce qui sort des sentiers battus, et c’est vrai que faire l’amour dans une œuvre d’art me plairait beaucoup.
─ Si je comprends bien, je suis passionné par la peinture et toi par l’érotisme en tous genres.
─ On ne vit qu’une fois, il faut goûter à tous les plaisirs de la vie. L’érotisme en fait partie.
Mais ce projet n’est pas de la folie érotique, c’est bien plus beau.
Tu as raison, ce n’est pas la peine de réaliser cette œuvre,
c’est beaucoup plus magique de la rêver. »

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Commentaires
M
Je suis flatté du compliment de quelqu'un qui a un style enlevé, fluide, un ton que j'aime bien.<br /> <br /> Merci<br /> <br /> Mathys
M
À ton Hugo Claus on peut associer Malévitch et son Carré blanc sur fond blanc, Piero Manzoni et ses Achromes (peintures sans couleur), John Cage et sa musique du silence,...<br /> L'art, c'est toi qui le fais émerger, et rien ne t'empêche de partager tes émotions artistiques.<br /> <br /> Biz<br /> <br /> Mathys
Q
Très très intéressante cette fin, et poétique vraiment :) Bravo !
J
"c'est beaucoup plus magique de la rêver" tout l'art en résumé , mais comment le partager alors? il est vrai que pour le dramaturge Hugo Claus - un rien provocateur ou surréaliste à la belge - la vraie poésie minimaliste aurait été de ne rien écrire !
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