061 Le rêve bleu (4° partie)
Il eut du mal à détacher son regard de l’ondine tant il était hypnotisé par sa grâce infinie et son irréelle beauté. Cependant, la présence encore mystérieuse de l’autre côté était de plus en plus insistante. Il tourna la tête et fut saisi d’un autre émerveillement. Autant il avait été ébloui par la chevelure aurifère et le teint de pêche de la nageuse de droite, autant fut-il subjugué par l’intensité et la brillance du noir des cheveux courts du nageur de gauche, ainsi que par la magnifique couleur ambrée de sa peau. Le visage, aux traits réguliers et harmonieux mais assez typés, avait les pommettes haut perchées bridant légèrement des yeux de velours dont les pupilles, d’un noir de jais, lançaient en permanence des gerbes d’étoiles. Les joues rigoureusement plates s’achevaient sur une mâchoire discrètement anguleuse. Les lèvres étaient aussi sensuelles que celles de la fille. La nuque et les épaules donnaient une impression de puissance contenue, de maîtrise de soi, de force protectrice aussi. La musculature parfaitement proportionnée était vivante et mobile sous la belle élasticité de la peau. Les parties émergées laissaient deviner un corps d’une remarquable plasticité, faisant de l’ombre aux plus belles réalisations des meilleurs sculpteurs grecs.
Le jeune homme lui sourit, et il lut dans ce sourire une invitation à venir vers lui, et à vivre avec lui d’inépuisables joutes viriles se déclinant en empoignades et enchevêtrements amoureux.
Il ne pouvait résister à cet appel où il s’abîmerait dans les délices de la masculinité, en parfaite osmose avec sa propre nature de mâle.
Mais il ne pouvait résister non plus aux effluves féminins, au désir de parcourir les moelleux vallonnements et de pénétrer dans l’inconnu d’une fusion totale des complémentarités.
Il fallait choisir et ce n’était pas le choix cornélien de l’honneur et de la bravoure, mais le choix qui impliquait les tréfonds de sa nature. Elle ne s’était jamais déterminée à prendre parti pour un sexe ou pour l’autre. Il lui semblait que choisir l’un, c’était se priver de l’autre, et le perdre. Il ne voulait perdre ni l’un ni l’autre. Il trouvait plus épanouissant de pouvoir investir les deux terrains, celui de la féminité, et celui de la masculinité. Il ne se sentait pas du tout dans un marécage entre deux blocs aux limites définies une fois pour toutes. Il était un mâle fier de sa virilité, qui avait la chance de pouvoir aimer un garçon comme une fille.
Alors il étendit les bras et s’empara d’une douce main de droite et d’une ferme main de gauche… et le miracle se produisit. Il se sentit entraîné dans le clapot à une vitesse qu’il n’avait encore jamais atteinte à la nage. Il ne faisait plus aucun mouvement. La puissante propulsion de ses partenaires bouleversait tous les critères rationnels de la natation. Où l’emmenaient-ils ainsi ? Dans quel paradis inconnu des hommes ? Dans quel jardin des délices où les fontaines sont de jouvence , les fleurs aphrodisiaques, les fruits enivrants, les corps pleins de sucs et les cœurs pleins d’amour ?
A suivre...